
Mes fantômes
Brigitte et Pascal sont les heureux propriétaires d’un château du 17ème où des paons et la parole se promènent en liberté.
Brigitte s’occupe des chambres d’hôtes et Pascal consacre une infime portion de ces journées hyper-actives à son métier de plaquiste.
Je crains la chaleur, et celle de Fiac m’avait déjà éreinté, en tant que visiteur, à plusieurs reprises, lors de éditions précédentes. Etre acteur, derrière ces murs épais et en dessous de ces arbres bi-centenaires, était dès lors d’autant plus appréciable.
Un plaquiste est toujours le bienvenu, particulièrement dans l’art contemporain, qui plus est quand on travaille la lumière, alors être accueilli par un plaquiste châtelain, c’était parfait.
loglo( rr )
logo ( rr ) fût donc implanté sur un support en placo, dans la salle de réception coupée en deux pour l’occasion par une cloison en placo et dont les portes fenêtres étaient occultées, pour créer ‘le noir’, par des plaques en placo.
Les visiteurs rentraient par groupes réduits, après quelques minutes passées dans une antichambre pour les préparer à la pénombre et à la fraicheur de la pièce de monstration.
loglo( rr ) était constitué de deux néons symétriques imbriqués. Ces deux morceaux de lettres ( en l’occurrence deux parties de r ) provenaient de l’œuvre de Mario Nanucchi présentée sur la façade de l’usine hydro-électrique de l’edf Bazacle à Toulouse, lors du festival le Printemps de Septembre 2009.
Tous les autres éléments de cette installation, qui rayonnait coming from nowhere, going from nowhere, avaient été détruits, sur site,
au démontage et rien d’autre n’avait pu être épargné.
Quelques mois plus tard, du 7 janvier au 21 mars 2010, rollin’ ( what goes up must come down )’ prit forme rotatoire sur la même façade de ce bâtiment
en bord de garonne.
Le Printemps de Septembre se déroulant principalement en octobre, coming from nowhere avait précédé de quelques mois ce projet, pourtant impulsé en amont.
A l’instar du pont des Catalans, situé dans la champ de vison du Bazacle, coming consommait 10kw/h.
Pour rollin’, qui consommait 300w/h , le pont fût éteint.
A l’instar d’Antoine Perrot qui a réalisé moi aussi, j’ai fait une oeuvre en néon, œuvre faite de … néons, je pourrais énoncer : moi, je n’ai pas fait mon œuvre en néon.
Ancien éclairagiste, habitué à cacher ces sources, je n’étais jusqu’alors interdit l’usage de ce matériau … par choix ‘préservatif’, par inadéquation avec les environnements phénoménologiques à créer, à cause de la fragilité et de la graduabilité aléatoire du matériau, par influence de l’art cinétique et des artistes du ‘light and space’ et rejet d’une certaine facilité néonifiée.
Cette antithèse témoignait donc d’un choix , mettant entre autres en jeu le recyclage.
Ce bleu électro, cet outre-mer de Costa del Sol, ce bleu Kersalé, bien souvent utilisé pour les enseignes et les sur-lignages architecturaux … n’en était pas un.
loglo( rr ) s’apparentait à un amalgame gémellaire, à une enseigne, à un symbole de marque, à une aire de jeu, à un plan du château ( d’après les échos de visiteurs ) … mais, plus que la forme, les phénomènes électriques et cognitifs faisaient œuvre. Contrairement à la plupart de mes réalisations cinétiques, l’aléa était introduit, non pas par le code informatique, mais par les réactions du matériau propres à certaines intensités et, par l’état perceptif et sensoriel du regardant.
La consommation électrique importante du néon était réduite par un rapport de 10 grâce à une programmation adéquate biphasée.
Une période de longues phases d’allumages à très faibles intensités créait des vibrations lumineuses aléatoires des gaz emprisonnés, qui se dilataient et contractaient dans le verre. à la fois, éther électrifié et ectoplasme emprisonné.
L’autre phase, répétée plusieurs fois, intercalait de brefs allumages violents à forte intensité (1s) et laissait, ensuite les visiteurs dans le noir (10s), face aux surimpressions successives créées par leur persistance rétinienne. La persistance phosphorescente statique du néon éteint venait s’ajouter et se confondre à ces perceptions fantasques aux mouvements et aux vivacités cognitives propres à chacun.
Je suis un peu simple, je réponds au pied de la lettre. pour résumer, loglo ( rr ) était le fantôme d’une œuvre qui permettait à chacun d’expérimenter ces fantômes.
